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Le culte de l’Atelier

En chaque homme, le mien comme le vôtre, se cache : un ti-cul de 8 ans qui collectionne mille cossins, un archiviste qui s’affaire à les classer mentalement par catégorie et…un archéologue qui cherche à les retrouver dans ce magnifique fouillis.

Chez nous comme chez vous, il y a un espace sacré, un endroit protégé et béni d’une lumière divine où a été érigé un autel et sur lequel s’effectue un rituel méticuleux : déposer et accumuler des outils et des boîtes de vis en offrandes au dieu Canadian Tire.

L’Atelier de l’Homme (soupir). Nom commun masculin. Condition sinéquanone à la vie commune. Situé (idéalement) dans un espace fermé, (encore plus idéalement) situé dans la grotte ou, (dans un monde parfait imaginaire) situé dans un bâtiment autre à l’extérieur du terrain familial (faute d’espace dans la grotte). À utilisation presque exclusive du genre masculin, cet espace obligé peut aussi être utile au genre féminin et s’avérer parfois même utile à la compagne qui, entre deux soupers, a besoin de mesurer une tablette ou poser un cadre…pour autant qu’elle y trouve quelque chose.

Comme le couple, l’Atelier évolue au fil du temps. Dans notre petit appartement, il avait été installé dans un garde-robe où, en y installant une tablette à hauteur d’homme et un pseudo système de rangement, on pouvait ranger le petit lot d’outils que l’homme avait amassés au fil des cadeaux de Noël. Un espace où j’osais à peine mettre le nez, à part, bien sûr, pour aller y récupérer le ruban à mesurer. Lorsque la porte n’a plus fermé, non pas à cause de la quantité d’outils, mais bien dû au bordel savamment accumulé selon un système de classement digne d’une thèse de doctorat, nous avons déménagé dans notre première maison.

Après plusieurs mois d’escalade de piles d’outils dans le sous-sol de cette nouvelle maison, guillerette et pleine de bonnes intentions, je suis allé acheter : un coffre à outils, un établi et un beau système à tiroirs. Avec un enthousiasme acharné, j’y ai classé en catégories (plomberie, électricité, accrochage, outils, pinces et tournevis) tout le pécule collectionné par l’amoureux. Un après-midi, 4 heures toutes au plus, à classer des vis par grandeur et à rassembler des marettes par couleur dans des petits plats en plastique, bien identifiés.

Moi aussi je me trouvais bonne et gentille, organisée et dévouée. Vous imaginez alors mon étonnement lorsque j’ai dû subir le rugissement suprême. Dans ce haut lieu de culte, j’avais osé enfreindre la première loi d’une religion que je n’imaginais jamais aussi rigide :

« dans l’Atelier de l’homme, tu ne pénètreras point et jamais tu ne tenteras de déplacer quoi que ce soit. »

Chez nous, «fais le ménage de l’Atelier» est à l’imparfait, ne s’écrit pas au présent et est loin de se conjuguer au futur simple. Le phénomène d’accumulation est difficile à enrayer et pour réussir, il faudrait l’éliminer à la source. Il touche à un puissant rituel père-fils qui perdure depuis des années : la visite hebdomadaire au Canadian Tire. Puisant tisseur de liens paternels, la visite dans ce haut lieu du culte de l’Atelier témoigne de l’atteinte d’une maturité dans la relation entre un père et son garçon. La fierté d’être assez grand pour accompagner son père au Canadian Tire est alors augmentée par le fait de se faire acheter son premier marteau, sa première boîte de clous… et de se faire faire une petite place dans l’Atelier paternel. Le rituel se perpétue de génération en génération et c’est ainsi que commence le calvaire de l’Atelier.

C’est connu, l’Homme déteste magasiner et lorsqu’il le fait c’est qu’il a besoin de quelque chose en particulier. Si par malheur le quelque chose n’est pas disponible, il doit trouver autre chose. Chez nous, un voyage blanc au Canadian Tire finit toujours avec un kit de bits de drill.

Le kit de bits de drill est un appareil scientifiquement reconnu pour sa grande complexité et revêt un contenu hautement varié que seul sait reconnaître un expert en la matière. Tous les kits de bits de drill sont différents. Chaque mèche à sa particularité et apparemment, elles doivent être regroupées dans une boîte et vendues en lot. Le marketing de la bit de drill veut aussi qu’une bit de drill ne se vende pas seule, surtout les pièces uniques et particulièrement rares qui percent des trucs très complexes comme de la céramique ou le métal. Ces bits de drill de collection sont alors systhématiquement regroupées dans un kit de plusieurs dizaines de bits de drill pareilles à celle que l’homme possède déjà.

Dans mon ménage d’Atelier (celui qui a provoqué la colère suprême) j’ai trouvé HUIT (8) kits de bits de drill. J’ai osé demander qu’elle était la différence entre toutes ses mèches à percer. Forcément il y en a une puisque nous en possédions huit. J’ai dû arrêter le cours après trois heures, il fallait aller faire le souper…

Mon père à plus d’outils que de jours dans l’année pour s’en servir et mon «méri» a plus de kits de bits de drill que de perceuses pour les utiliser. Cela dit, il a tout de même trois perceuses et je vous avouerai que ça aussi, c’est assez intéressant de connaître les différences et le pourquoi d’une telle variété… si vous êtes prêtes à sauter un repas.

Comme il faut toujours savoir parler à un homme, surtout s’il est ingénieur, j’ai dit à l’Homme (celui de la colère suprême) qu’il avait, au maximum, le même nombre de jours que le nombre de possibilité d’utilisation différentes de ses drills et de ses bits de drills pour tout ramasser et me cleaner l’Atelier au plus sacrant.

Soulagé, il a sourit, heureux d’avoir un sursit d’encore quelques années!

 

6 Commentaires

Louise Blais - 16 novembre 2011 à 21h45

moi c’est le nb de scies!!!! 2 à chaîne (une électrique, c’est plus léger; une au gaz c’est plus fort), égoïne, à fer, un passe-partout, une skill, une sauteuse, une à onglet, un banc de scie… me semble que j’en oublie!

annieletourneau - 16 novembre 2011 à 22h05

LOL et ça prend de la place des scies! Imagines, en plus, ton homme il rempli AUSSI la cuisine! ;)

Mcbriere - 17 novembre 2011 à 6h38

Dois-je commenter? Moi qui vit dans les rénos absolues depuis 5 ans?

annieletourneau - 17 novembre 2011 à 6h54

De toute façon, chez-vous c’est toi MariBi qui aime les kits de bits de drill… l’Atelier doit être parfait puisque c’est toi qui le gère! ;)

Papa - 18 novembre 2011 à 11h20

De PAPA: juste le nécessaire par exemple.. »…121 tournevis..tous différents et nécessaires et rangés selon un système assez. Complexe.. ».

Julie Robitaille - 21 novembre 2011 à 12h26

J’ai tellement ri de ton texte ma chère WebMénagère… merci ! Mais merci surtout aussi de me permettre de me sentir moins seule malgré les 150 km qui nous séparent… Comme tu sais, j’ai aussi un brillant « nénénieur » à la maison mais mausus que cette partie de notre grotte me décourage. Je me suis prise un jour à lui faire cette belle surprise de classement (pour une fête des pères en plus, comme pour faire encore plus de place pour d’autre supers outils) mais moi, contrairement à me faire réprimender d’avoir enfrein le commandement, j’ai plutôt vécu celui du type « Élan de générosité noté, peine perdue, de toute manière point je ne rangerai ». Et vlan ! C’était reparti… et comme les kilos perdus dans un régime aux protéines, c’est de pire en pire chaque fois. Dire que ça fait juste 15 ans qu’on vit ensemble… Si vous me perdez de vue, venez faire des fouilles archéologiques pour me sauver ;-)
Bonne journée !

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