En allant au ski, en fin de semaine dernière, nous avons croisé une voiture avec, sur son top de char, ben attaché avec de la corde jaune, un beau sapin gossé à la main, à même le bois de la bordure d’autoroute.
Un beau sapin tout ch’nu, comme on les faisait dans le temps, quand le standard d’espacement entre les branches était de 12 pouces minimum et que le calibre d’épines était de 12 épines au pouce!
Aujourd’hui, les sapins ont la branche tellement serrée et l’épine tellement fournie, c’est comme s’ils n’avaient pas envie d’être décorés!
Enfin, ça m’a rappelé mes Noëls d’Abitibi. Mon père, policier de métier, a toujours su mettre de la magie dans nos Noëls d’enfants.
Ça commençait chaque année en septembre avec le fameux débat : sapin de Noël ou bouleau de Noël? (Quoi? Vous n’avez jamais eu de bouleau de Noël?) La décision prise (et ce n’était pas facile, croyez-moi!), ma mère et moi, on s’attelait dans les Décormags pour trouver les idées les plus in, la touche qui ferait de notre sapin (ou de notre bouleau) le plus beau, comme dans la chanson.
Très tôt dans ma jeunesse, j’ai eu le contrat de design et c’était moi la chargée de projet. Mes parents me donnaient carte blanche, un petit budget et me ridait d’un bout à l’autre de la ville pour trouver tout ce dont j’avais besoin. C’était avant que les Dolloramas de ce monde fournissent mille et un cossins pas chers! Dans le temps, il fallait être créatifs parce qu’à Rouyn-Noranda, la seule place pour trouver des décorations potables, mais standards, c’était le Canadian Tire!
Et avec une patience infinie, ma mère s’attablait avec moi tous les soirs du mois de novembre pour faire des pieds et des pieds de guirlandes de popcorn rose. Mon père, lui, faisait des pieds et des mains pour trouver les 30 cannes de neige artificielle qui rendrait les branches de notre ch’nu sapin, blanches et dodues comme les branches des sapins artificiels roses et bleus poudres, à la mode ce Noël-là!
Puis c’était la grande expédition, le deuxième dimanche de décembre, précisément. Il faisait – 35 (comme toujours en Abitibi), tout le monde embarquait dans sa suit de ski doo et on partait dans le bois, la traîne sauvage attachée sur le top du char avec de la corde jaune, chercher le feuillu ou le conifère convoité.
Vous vous rappelez que j’ai dit : policier de métier? Dans ce temps-là, couper un arbre, ce n’était pas autant un crime contre l’humanité… et en Abitibi, des arbres, il y en avait en masse-en masse, mais quand même, ça reste que ce n’était pas permis trop-trop, je pense.
Et là, mon père partait sa magie de Noël.
On cachait l’auto sur un petit chemin pas déblayé puis il nous disait de nous dépêcher d’entrer dans le bois en courant. Surtout, ne pas être repéré (par qui? Il y avait juste de la neige pis des épinettes autour!). Lui, il surveillait jusqu’à ce qu’on soit bien cachés. Ensuite, il défaisait le traîneau, prenait sa hache dans la valise et s’en venait vers nous, le sourire en coin (j’imagine!).
Ça durait ensuite des heures, dans la neige jusqu’aux genoux, à essayer de trouver l’arbre parfait. Du sapin Douglas ou Baumier en Abitibi, c’était une espèce rare parmi toutes ces épinettes (il devait être content les années où le bouleau avait gagné, ça, il y en avait en masse!) et trouver celui qui avait un peu plus de 10 branches sur 6 pieds était tout un exploit! Puis, quand on le trouvait, quand on finissait par s’entendre, mon frère et moi, sur le spécimen à ramener, mon père nous ordonnait de nous cacher (pas facile, en Abitibi, les épinettes ont 10 pouces de large!) et il se mettait à bucher! Nous, on était effrayés du bruit en écho de la hache sur le tronc… et si on se faisait prendre?
On hurlait à mon père de se dépêcher, avant que la police nous trouve (pfff, on n’avait pas encore réalisé : on était avec la police!). Mon père jouait le jeu, se dépêchait d’attacher le tout sur le top et on partait en trombe, comme dans les vues, ni vu ni connu.
Une police qui volait des sapins… on aura tout vu!
Même encore aujourd’hui, Noël, chez nous, c’est tout un événement.
Dans l’auto, en allant au ski, mes enfants riaient de m’entendre raconter cette histoire : « couper un sapin dans le bois, drôle d’idée! »
Reste que pour moi, ce sera toujours ça, la magie de Noël : des parents qui se dévouent corps et âme et qui font accroire mille et une histoires à leurs enfants pour que, l’espace d’un instant, l’ordinaire et la routine deviennent un moment magique de notre enfance… qu’on raconte 30 ans plus tard sur un blogue!
Joyeux Noël tout le monde! Prenez le temps de décrocher, de vous amuser et de vous mettre en mode enfant.
C’est le plus beau des cadeaux de Noël, pour vous et pour vos poussins!
Merci pour ce beau souvenir! Et que les nouvelles traditions se créent!
Joyeux Noël! Kathy